Marc 1/40-45 le lépreux : dimanche 14 février 2021
Posté par jeanbesset le 30 janvier 2021
40 Un lépreux vint à lui et, se jetant à genoux, lui dit en suppliant: «Si tu le veux, tu peux me rendre pur.»
41 Rempli de compassion, Jésus tendit la main, le toucha et dit: «Je le veux, sois pur.»
42 Aussitôt la lèpre le quitta et il fut purifié.
43 Jésus le renvoya sur-le-champ avec de sévères recommandations;
44 il lui dit: «Fais bien attention de ne [rien] dire à personne, mais va te montrer au prêtre et présente pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage.»
45 Cependant cet homme, une fois parti, se mit à proclamer partout la nouvelle et à la propager, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer publiquement dans une ville. Il se tenait dehors, dans des lieux déserts, et l’on venait à lui de partout.
Combien parmi-nous ne partagent-ils pas cette conception de Dieu selon laquelle il se réserverait d’intervenir dans le monde en faisant des miracles quand il le veut et comme il le veut. Nous pensons que ceux qui sont ainsi au bénéfice de sa providence sont valorisés aux yeux des autres par ses faveurs. Ceux qui en bénéficient provoquent chez les autres, admiration et considération. Ils se croient mis à part par Dieu pour intercéder pour les autres et obtenir de lui des grâces particulières pour eux. Même s’ils restent modestes, comme il convient, ceux qui sont dans cette situation se trouveraient en harmonie avec Dieu et tout le monde y trouverait son compte, lui, Dieu et les autres. Tel est le raisonnement qui se tient généralement dans les milieux d’Eglise et que l’on entretient dans le monde des croyants.
Mais ce raisonnement ne semble pas trouver écho auprès de Jésus. Selon lui, notre foi et nos bonnes actions ne nous valorisent pas automatiquement aux yeux de Dieu. Notre relation avec lui semble devoir être d’une autre nature. Il s’agit d’abord de se laisser interpeler par le sentiment que Dieu allumerait en nous au sujet des injustices qui opposent les hommes entre eux. Tous ne sont pas forcément sensibles à ce déséquilibre entre les humains. Pourtant cela devrait éveiller en nous le désir de prendre part à un projet qui consisterait à rééquilibrer le monde et à s’impliquer dans un meilleur fonctionnement pour lui. C’est pour mettre en évidence ce genre de nécessité que Jésus intervient dans la vie du lépreux. En le guérissant, (mais est-ce lui qui le guérit ?) Ce n’est pas un miracle à proprement parler qu’il fait, mais il permet à Dieu d’agir. Jésus intervient donc au côté de Dieu pour rétablir une meilleure harmonie du monde avec lui.
Le texte que nous venons de lire dans l’Evangile de Marc s’applique à casser les codes en fonction desquels nous nous comportons et pensons à l’égard de Dieu. Il ne s’agit pas avant tout pour Dieu de faire des prodiges qui susciteraient l’admiration des hommes et provoqueraient leur conversion. Il s’agit pour Dieu d’enrôler les hommes dans une action qui les amènerait à changer le monde en partenariat avec lui. Jésus s’offre à nous comme le guide dont nous avons besoin pour que cela arrive. A nous de savoir l’imiter dans toutes nos actions quand cela est possible.
On nous met ici en présence d’un homme qui a tout perdu et qui est totalement dévalorisé par les circonstances. Il a appris, on ne sait comment les manières de comportement de Jésus et se jette à ses pieds, le contraignant à enfreindre les codes de la société de son temps et Jésus le fait volontiers. La lèpre a mis cet homme en rupture avec la société des hommes et l’a privé de tout espoir. Ses semblables fuient loin de lui et sa séparation d’avec les hommes l’a également séparé de Dieu.
Dans ce contexte Jésus bafoue les interdits et les règles de la société de son époque pour rétablir le lépreux dans le monde des humains et rendre possible son accès à Dieu que les hommes lui interdisaient. (Va-te présenter aux prêtres lui dit Jésus) Voilà donc le contexte dans lequel le miracle a e lieu. On ne sait pas comment il s’est produit, mais il n’a pu se produire que parce que Jésus par son action a rétabli le lépreux dans un système social qui ne fonctionnait plus et dans une relation à Dieu rendue jusque-là impossible par la société. C’est alors que Jésus a pu jouer son rôle et en faisant le miracle remettre l’homme dans une condition de vie qui avait cessée. Ce n’est pas le miracle sur lequel il faut s’attarder, mais sur l’action de Jésus qui remet cet homme dans une relation normale avec le autres et qui rend l’action de Dieu possible.
Sans le dire Jésus suggère une autre relation avec Dieu que celle de ses contemporains. Ce n’est pas eux qui doivent chercher à mettre en évidence le « bon » comportement de Dieu grâce auquel il gagnerait le cœur et la conscience des hommes, c’est Dieu au contraire qui s’approche des hommes, et qui voudrait partager avec eux une autre vision des choses et du monde. Tous ne se laissent pas saisir par ce sentiment car c’est au niveau de leur âme que cette relation avec. Dieu doit se faire. Jésus ouvre ici la voie à ce désir. Il prend en compte la réalité de l’exclusion dans laquelle se trouve le lépreux et exprime par ses gestes d’accueil que les choses pourraient évoluer autrement. C’est par ces gestes que se noue une nouvelle relation avec Dieu qui répondant au désir de Jésus favorise le miracle annonçant déjà qu’une autre relation est possible avec lui. Pour en arriver là il faut que chacun prenne conscience que Dieu se propose de venir habiter notre âme pour nous rendre sensibles au monde où nous vivons
Cette relation nouvelle qu’il amorce ici avec Dieu montre que pour que le changement qu’il propose puisse se faire, il faut que Jésus reste clandestin dans la société des hommes puisque sa relation à Dieu n’est pas la même que la leur, sans quoi il déclencherait leur fureur et leur désir de mort à son égard, ce qui se produira d’ailleurs. Pour Jésus les hommes doivent comprendre qu’ils ont un rôle à jouer auprès de Dieu dont ils deviennent les partenaires pour que le monde change.
Si Jésus avait eu la même conception de Dieu que ses contemporains, en guérissant le lépreux il aurait été perçu comme un régulateur de l’ordre social. En renvoyant le lépreux guéri aux prêtres il aurait été perçu par ses contemporains comme un prophète. Il aurait gagné en notoriété, et son Evangile aurait fait autorité. Mais cela aurait impliqué que Dieu serait resté pour lui enfermé dans une conception qui n’est pas la sienne. Il serait resté dans le rôle d’un Dieu tout puissant qui soumettrait le monde à sa guise et qui n’éprouverait pas la nécessité de collaborer avec les hommes pour faire évoluer le monde vers un ordre nouveau.
Nous nous rendons bien compte que les témoins du miracle approuvaient l’ attitude du lépreux qui voulait que tous les témoins de l’affaire prennent conscience de la toute-puissance de Dieu sans comprendre que les hommes avaient un rôle à jouer dans son projet de transformation du monde. Les hommes inconscients de la vision des choses que propose Jésus sont prêts à l’acclamer pour son action et à le crucifier parce qu’ils récuseront sa conception de Dieu. .
En fait Jésus est en train de nous suggérer un autre aspect de Dieu. Il nous brosse le portrait d’un Dieu qui ne supporte pas les injustices qui gèrent le monde et opposent les hommes entre eux. Il ne veut pas d’un Dieu qui se cache derrière sa toute-puissance pour devenir le complice des injustices qui animent le monde car ce n’est pas lui qui les a voulues. Si le monde doit changer, c’est avec la complicité des hommes. Le miracle n’est donc pas d’abord signe de la puissance de Dieu mais un geste de sa miséricorde qui répond à la bonne volonté des hommes.
Nous ne savons pas comment le miracle s’est produit, mais il est perçu ici comme l’assentiment de Dieu à la vision de Jésus d’un monde nouveau où les hommes collaboreront avec Dieu à la disparition des injustices et des inégalités. Le miracle se produit parce que Dieu approuve l’attitude de Jésus et celle des hommes qui l’imitent. Jésus affirme ici que pour que la fatalité d’un monde injuste soit conjurée, il faut que les hommes prennent la main que Dieu leur tend, sans triomphalisme ni provocation et entrent avec lui dans une ère nouvelle où grâce à Dieu et par l’action des hommes, à sa suite, le monde changera.
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